Elles ne luttent pas dans le silence parce qu’ellles vivent leur vie d’ouvrieres, parce qu’elles vivent dans l’injustice, parce qu’elles sont solidaires.
Souvent je murmure les paroles de leurs chansons pour me donner l’espoir, pour qu’un jour on reconnaitra la vraie vie de nos femmes.
From silence to power because they are workers, because they are women, because they know about injustice.
Often times, I sing their songs – land is Life; Struggle(Tar So); and many more- to give myself courage.
We shall overcome.
TRIBUNE DES DROITS HUMAINS
Ces ouvrires chantent le chaos de la croissance cambodgienne
Par Carole Vann | Infosud/Tribune des droits humains | 26/09/2011 | 12H31
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(De Phnom Penh) Exploitation dans les usines textiles, esclavage sexuel, victions forces, sida, corruption : elles sept, ces jeunes femmes ont subi tous les flaux du Cambodge. Ouvrires reconverties en chanteuses, elles ont constitu voil six ans un groupe a cappella, The Messenger Band.
Mais les textes de Vun Em, Sothany, Chivika, Sompose, Somneang, Leakna, Van Huon ne racontent pas des amours impossibles dupliques l’infini comme le font les chanteurs populaires. Le Messenger Band, empruntant les mlodies des tubes khmers, aborde des thmes autrement corss.
Ainsi, elles appellent la compassion envers les filles lgres , si souvent mprises par leur socit, qui se sont retrouves ds leur jeune ge devoir vendre leur corps, au risque d’tre contamines par le sida, parce que les dollars sont le seul pont permettant leur famille de survivre .
Des concerts au milieu des manifs ouvrires
Avec des paroles d’une simplicit poignante, elles chantent aussi le travail l’usine, les mfaits de la libralisation, les familles chasses coups de bton de leurs maisons, les paysans qui se retrouvent vagabonds, leurs terres ayant t livres aux concessions trangres ou des membres de l’lite politique.
La dmarche de Messenger Band est particulirement courageuse dans un pays o les artistes subissent des intimidations et sont mme menaces d’assassinat.
Loin des scnes kitsch, les sept chanteuses aiment se produire au beau milieu d’une manifestation ouvrire ou d’une confrontation entre la police et des habitants refusant tre expulss de leur quartier.
Et le Messenger Band ne risque pas de manquer d’inspiration. A Phnom Penh, le visiteur est frapp par les multiples chantiers qui mettent la ville sens dessus dessous. Sur la route de l’aroport s’tendent perte de vue des enfilades de constructions deux tages flambant neufs, mais tous vides.
La capitale rve d’arborer les signes de russite des autres mtropoles asiatiques. Sur le boulevard Monivong, l’une des artres principales, deux tours jumelles sont censes se dresser sur plus de 40 tages. De ces gratte-ciel financs par des capitaux sud-corens, l’un n’en finit pas d’tre en construction, l’autre n’existe qu’ l’tat virtuel.
La croissance conomique profite une minorit
Ainsi que ne cesse de le rappeler le ministre des Finances Keat Chhon, le Cambodge peut se targuer d’une croissance conomique de 6% pour 2011 un chiffre encourageant pour l’un des pays les plus pauvres du monde. De 1997 2007, le PIB progressait de 10% annuellement, avec un revenu mensuel par habitant passant de 300 dollars 600.
Mais cette croissance fragile, base sur la spculation, ne profite qu’aux riches lites. Un fait que n’hsitent pas reconnatre nombre d’conomistes et hommes d’affaires, qui prfrent garder l’anonymat. Seules des bases plus saines permettront une conomie solide, affirment-ils.
Cette anne, le gouvernement cambodgien et la bourse sud-corenne lancent Phnom Penh la toute premire bourse du Cambodge. Les perspectives concernent surtout la construction avec des dispositions censes pousser les autorits et les entreprises cambodgiennes lutter contre la corruption.
Les centres commerciaux ne sont presque jamais achevs
Un boom conomique factice dans un pays gonfl artificiellement , ricane Thun Saray, prsident de l’Association pour les droits de l’homme et le dveloppement au Cambodge (Adhoc).
Les usines textiles sont de plus en plus nombreuses, mais qui en sont les propritaires ? Des Corens, des Malais, des Singapouriens Les bnfices partent l-bas, et ne restent ici que les misrables 60 dollars mensuels des ouvrires.
Quant aux buildings et gigantesques centres commerciaux, ils ne sont presque jamais achevs : il n’y a pas de demande, seulement des spculateurs. Les gens sont bien trop pauvres pour acheter.
La croissance ne profite qu’ une infime minorit, tandis que les autres en paient le prix fort.
Actuellement, 500 000 Cambodgiens travers le pays sont victimes d’victions forces. Kek Galabru, fondatrice de la Licadho (l’autre principale organisation de dfense des droits de l’homme au Cambodge), raconte :
S’ils refusent de partir, les forces de l’ordre dbarquent et brlent les logements, tabassent les habitants, arrtent les contestataires.
Le problme des victions forces est li l’histoire rcente du pays. A la chute desKhmers rouges en 1979, les survivants ont regagn les villes entirement vacues par le rgime de Pol Pot, en occupant les logements. A la campagne, ils se sont installs sur un lopin et n’ont plus boug.
En 2001, une loi foncire est entre en vigueur, qui stipulait que toute personne installe sur une terre depuis cinq ans, sans tre conteste, en devient propritaire. Mais pour obtenir un titre de proprit, il faut arroser une multitude de fonctionnaires, et la plupart des habitants n’en ont pas les moyens.
La mme loi foncire prvoit aussi que l’Etat peut rquisitionner des terrains pour le dveloppement communautaire . Les luxueux centres commerciaux, inabordables pour la plupart des Khmers, sont donc tiquets d’intrt public.
En dix ans, 100 000 habitants dlogs de la capitale
Plus de 100 000 personnes ont t dloges de la capitale au cours de ces dix dernires annes. Elles se sont retrouves parachutes des dizaines de kilomtres de la ville dans des terrains vagues. Pas d’eau, pas d’lectricit, pas d’gouts. Isols de tout, les relocaliss deviennent des citoyens fantmes, privs de tout droit lmentaire , souligne Thun Saray.
Dans les zones rurales, les terres et les forts continuent d’tre pilles sans vergogne, au profit de l’lite au pouvoir et des entreprises trangres. En 2007, Global Witness publiait un rapport explosif nommant les membres de familles influentes impliqus dans ce pillage.
Selon l’institut de recherche bas Londres, 30% des forts avaient t dtruites en cinq ans, rapportant plus de treize millions de dollars aux proches du premier ministre Hun Sen. Alors que 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvret.
Le rapport, interdit au Cambodge, rvlait aussi que depuis le dbut des annes 90, plus d’un million d’hectares de terre avaient t cds des concessions trangres ou appartenant l’lite locale, ce malgr une loi interdisant ce genre de transaction.
Photos : le Messenger Band en cyclo Phnom Penh ; grve dans une usine textile, aprs trois mois de salaires impays (Carole Vann)
En partenariat avec La Tribune des droits humains